Douai (59). Une grande roue de fête dominait la place d’Armes. Elle éblouissait tant qu’il était bien difficile de voir en-deça. Pourtant, on les a vu, ces militant·es mobilisé·es à l’appel du collectif de défense et de développement des services publics du Douaisis. Une petite trentaine de personnes réunies quelques heures seulement après que le – pour l’heure – premier ministre Michel Barnier ait enclenché l’article 49 alinéa 3 de la Constitution devant l’assemblée nationale, engageant ainsi la responsabilité de son gouvernement sur le projet de loi de finances de la sécurité sociale. Comme une énième provocation à laquelle tout le monde s’attendait, aussi bien en dehors de l’Assemblée qu’à l’intérieur, où l’ambiance était moins électrique que pendant les discussions autour du projet de réforme du système de retraites en 2023, où « le 49-3 » a aussi été enclenché. Dans la foulée, la gauche a annoncé le dépôt d’une motion de censure, plus tard rejoint par le Rassemblement National.
Deux jeunes passent et voient une militante habillée d’un drapeau palestinien. Heureux tant les mobilisations en soutien à ce peuple martyr ne courent pas les rues, ils ont participé à réveiller l’espace, bien calme en cette soirée de début décembre.
Toutes les composantes du Nouveau Front Populaire dans le Douaisis étaient présentes ce soir : PS, LFI, PCF, Écologistes… et quelques syndicalistes. Pour Dominique Ben, du collectif de défense et développement des services publics du Douaisis, la situation l’oblige. « Les françaises et français ont majoritairement rejeté la politique de Macron. Je me croirai revenu en 1968 pendant les grandes grèves, au moment où de Gaulle a quitté la France et que personne ne savait où il était. Là, Macron, le pays coule, mais lui, il reste. Il doit être vraiment attaché à la France et aux français », plaisante-t-il avec un peu d’ironie. Il dénonce aussi l’opposition de façade dans laquelle s’inscrit le Rassemblement National. « Marine Le Pen s’inquiète des augmentations du prix de l’électricité ? Elle était où au moment de la privatisation d’EDF/GDF ? Elle dit se préoccuper de la sécurité sociale, des retraités, elle était où quand on se battait pour l’assurance maladie, les retraites ? C’est du foutage de gueule. »
Pour les manifestant·es, il faut d’ores et déjà penser à la suite. Comment construire la mobilisation sur le terrain en reprenant le travail mené pendant les législatives anticipées ? Pour Nicolas Froidure, militant écologiste à Douai, « on peut aller chercher les gens ». « Il y a les thématiques nationales mais aussi locales. Il y a l’enjeu des municipales, et pour ça, il faut que le Nouveau Front Populaire soit au rendez-vous, dans les grandes villes mais aussi dans les petites communes. Demain, prendre le pouvoir, oui. Mais pourquoi faire ? Je veux dire aux personnes qui votent RN : oui, vous êtes maltraités. Mais non, le RN n’est pas la solution. »
Une phrase qui peut prendre d’autant plus d’importance dans cette circonscription passée à l’extrême-droite en 2022.
Pour Mélanie Deccuper-Laud, secrétaire de section au Parti Socialiste de Douai, « notre président a sincèrement pété un câble ». « On a voté, notre vote n’a pas été respecté. Il a été piétiné. La censure, il faut qu’elle passe. Il faut que les gens soient dans la rue. Jeudi, avec les fonctionnaires. La semaine prochaine, avec l’industrie. J’espère que notre président tombera. »
Plusieurs mobilisations sont en effet prévues pour ce mois de Décembre : dans la fonction publique, l’industrie, mais aussi du côté des dockers, ou chez les cheminot·es. L’hiver promet d’être mouvementé et, comme dans le champ politique, les syndicats cherchent l’union, la convergence. Le 27 novembre dernier, des cheminots en lutte étaient venus apporter leur soutien aux camarades d’ArcelorMittal Denain qui se mobilisaient contre la perte de 136 emplois. En toile de fond, l’envie pressante de passer le cap d’une mobilisation plus large.
« Il faut que les gens reprennent conscience que la force, c’est le peuple », continue Alain Bruneel, ancien député communiste de la 16e circonscription du Nord battu par le RN en 2022 à 213 voix d’écart, et actuel maire de Lewarde, petite commune de 2400 habitant·es proche de Douai. « Nous avons gagné aux législatives mais on a pas su transformer notre essai. Le peuple a ses convictions et nous les avons avec lui » affirme-t-il, tout en estimant nécessaire la tenue d’un rassemblement prochain devant l’hôpital de Douai.
« Barnier, tartempion, on ne veut plus de tout ça », enchaîne Cyril Grandin, ancien candidat insoumis aux élections législatives de 2022 dans la 17e circonscription du Nord, aux couleurs de la NUPES. « Ce qu’on veut, c’est que le choix qu’on a fait, le choix du NFP, soit respecté. Je pense que dans le pays, ce soir, on est à l’avant-garde dans le Douaisis. Il faut pas lâcher. Cette semaine, elle est décisive pour le pays. Il faut qu’on se serre les coudes. On l’a fait, on a gagné. On le refera et on gagnera. »
Écrit et photos : Louise Bihan.