L’Insurgée du 11 septembre 2024

Tout ça pour ça. 2 mois de tergiversations, 2 mois de “trêve olympique”, 2 mois d’été à se demander quelle nouveauté allait bien pouvoir nous dégoter Macron. 2 mois passés à faire de la gauche le bouc émissaire, la fautive, d’un trouble créé de toutes pièces par le président de la République lui-même. 2 mois passés pour la gauche à devoir se positionner sur des noms “évoqués” (c’est-à-dire, communiqué par l’Élysée aux éditocrates attentifs) qui n’ont rien à voir avec celui sur lequel elle s’est mise d’accord (Lucie Castets).

Quand vint “l’hypothèse” Cazeneuve, ce fut le pompon. Comment la gauche a osé, elle, refuser la nomination d’un socialiste (dont le bilan, pour une partie du PS comme chez les Écologistes, le PCF ou la FI, laisse clairement à désirer) ? Deux mois passés à essayer d’y voir un tant soi peu clair dans un brouillard absurde.

Et puis, enfin, un nom est tombé. Michel Barnier, L’homme “du Brexit”, mais surtout, un vieux briscard de la politique, multi-ministre et député, qui incarne aujourd’hui à perfection tout ce que la droite a pu produire de pire. Des portraits plus ou moins élogieux ont pu en être dressé là, là, ou là. Signe de la période réactionnaire : on parle même d’un potentiel retour du ministère sarkozyste de l’Immigration (et de l’Identité Nationale, tel qu’il fût nommé de 2007 à 2010 avant d’être dissous).

Une personnalité que Macron n’aurait pas pu nommer sans l’assentiment de l’extrême-droite. (c’est même elle qui en parle le mieux)

La gauche parlementaire s’offusque. Et à raison. Mais que peut-elle bien faire de plus ? Il va falloir l’observer dans les prochaines semaines (à l’heure où cette infolettre est envoyée, les négociations sont encore en cours sur la composition du gouvernement). Mais une chose est sûre : la clarification politique offerte par la période oblige au point de bascule. L’extrême-droite n’est plus aux portes du pouvoir, elle a pris place sur le canapé mémoire de forme du salon principal. L’ensemble de la société est concernée. C’est à ces fameux “gens d’en bas”, chers à notre nouveau premier ministre, qu’incombe désormais la responsabilité d’inverser le cours de l’histoire.

En espérant que l’Insurgée puisse leur être un outil.

Louise Bihan
 

  • A Nantes (Loire-Atlantique), la crise de l’hôpital public (que nous avons analysé dans l’Insurgée du 31 août) continue de sévir. L’intersyndicale hospitalière (CGT, CFDT, CFTC, FO, FSU et Solidaires) dénonce dans un communiqué un été “catastrophique”. Interrogé par 20Minutes, Jérémy Beurel, secrétaire général adjoint FO au CHU de Nantes, parle d’un total de 350 lits fermés dans le CHU pendant l’été, ayant amené des patients à attendre parfois jusqu’à 70 heures aux urgences avant d’être soigné. Un chiffre démenti par la direction, mais une situation générale qui amène l’intersyndicale à se mobiliser contre le “démantèlement du service public de santé”. Un rassemblement est organisé le 14 septembre prochain à 11 heures devant le CHU de Nantes.
  • A Martinvast (Manche), les soignantes (majoritairement des femmes) de l’Ehpad privé à but non-lucratif de la Fondation du Bon-Sauveur sont à bout. En grève ce Lundi 9 septembre, elles dénoncent des conditions de travail “détériorées” depuis 1 an et demi. Soutenues par le syndicat Sud de la Fondation Bon Sauveur, elles demandent “du respect, de la considération” mais surtout des moyens, des médecins, et “l’arrêt immédiat des changements intempestifs de plannings”. Une cinquantaine de personnes ont défilé en fin de journée dans ce village de 1330 habitant-es. Antoine Guiffard, le directeur du département personnes âgées de la Fondation, dit “comprendre” leurs revendications et déplore un “déficit”, lié à la hausse des coûts que les aides publiques peinent à rattraper. Du côté salariées, un préavis de grève a été déposé pour 15 jours.
  • A Langon (Gironde), le personnel de la clinique privée Saint-Anne est en grève depuis ce lundi 9 septembre. Les salarié-es réclament des “augmentations de salaires significatives et un 13e mois”. 40 personnes sur les 95 employées par l’établissement se sont mobilisées lundi pour dénoncer “un sous-effectif constant, des soignants épuisés” et surtout des hausses de salaires “dérisoires” : 3,5% en 2022 malgré l’inflation record. Dans les colonnes d’Actu Nouvelle-Aquitaine, Isabelle Lacaze, déléguée syndicale FO de l’établissement, dénonce les “bénéfices records de l’entreprise”. Selon elle, “les dividendes ont été augmentées de 100%”. Et pas bien davantage pour les salariés. Toujours selon Isabelle Lacaze, leur direction ne leur a proposé qu’une prime annuelle “de 150 euros brut” et une augmentation “ridicule” du point d’indice de 0,69 (soit maximum 20 euros bruts par mois). Les salarié-es exigent des “réponses concrètes”. La direction, elle, déplore le refus des grévistes d’accepter les négociations exceptionnelles qui leur ont été proposées. La grève a été reconduite le mardi 10 septembre (date d’écriture de cette infolettre).
  • A la Réunion, une forte mobilisation des salarié-es de la Poste (en particulier de la Banque Postale) s’est tenue le vendredi 6 septembre dernier à l’appel d’une intersyndicale CGTR-FO et Sud PTT. Une mobilisation “forte”, à en croire les syndicats, qui a menée à la fermeture de nombreux bureaux sur l’île. Un rassemblement avait lieu devant le siège de La Poste à Saint-Denis. Selon les syndicats, en deux ans, 440 postes ont été supprimés dans les différents services de La Poste à la Réunion, en particulier au sein de la Banque Postale. La grève pourrait se poursuivre. De son côté, la direction a déclaré “irrecevable” le préavis de grève posé par l’intersyndicale.
  • A Calais (Pas-de-Calais), le personnel du port s’est mis en grève ce jeudi 5 septembre au matin. L’entrée du port a été bloquée de 5h30 à 8h30. La CGT demandait à être reçue par la direction, dénonçant un “climat de travail malsain” et demandant des “efforts” pour les salarié-es de la maintenance du port. Le trafic a pu reprendre dès 8h30.
  • A Wallis (Polynésie française), le personnel de l’agence de santé s’est mis en grève illimité ce mardi 10 septembre, après 5 jours de débrayage. Un service minimum restait assuré. Les syndicats SACEWF et CFDT ont déposé un cahier de revendications lundi 9 septembre, demandant entre autre “la gratuité des soins” et la “démission de la direction”. Des tensions entre cette dernière et les syndicats concernent également la non-reconnaissance, par la direction, de la “légitimité” du syndicat Force Ouvrière. En soutien, les syndicats SACEWF et CFDT, conviés à une réunion de négociation, ont refusé de s’y rendre. L’intersyndicale unie affirme que la grève illimitée continuera tant que leurs revendications ne seront pas entendues.
  • A Seattle (Etats-Unis), une menace de grève chez Boeing se conclut par un accord important. Un mouvement de grève était prévu chez le constructeur aéronautique pour le 13 septembre dans la région de Seattle. L’International Association of Machinists and Aerospace Workers (IAM) District 751, syndicat représentant près de 30 000 salarié-es dans la région, exigeait des augmentations de salaires et la sécurité de l’emploi. L’accord, qui doit encore être ratifié par les salarié-es, prévoit une hausse des salaires de 25%, une réduction du coût des soins de santé pour les salarié-e, une baisse des heures supplémentaires obligatoires, 12 semaines de congé parental rémunéré et l’engagement de construire le prochain avion de Boeing dans la région de Puget Sound si le contrat est ratifié cette semaine. Une grève aurait été compliqué à gérer pour la direction de Boeing, à l’approche de l’élection présidentielle américaine. D’autant que l’entreprise cumule déjà de nombreux problèmes de production et de qualité sur certains avions commercialisés, la mettant ainsi en difficulté vis-à-vis de la justice américaine. Ces problèmes de qualité étant responsables de plusieurs crashs, qui ont provoqué la mort de nombreux passagers ces dernières années.
  • A La Rochelle (Charente-Maritime), un collectif de salarié-es de l’Association pour l’Insertion en Charente-Maritime s’est mobilisé devant la Maison du Département, pour alerter sur la crise traversée par leur structure. Les “brigades vertes” (chargées du maintien de la propreté des villes) multiplie les actions pour alerter sur les difficultés financières de leur association, qui pourraient menacer les emplois. Les grévistes comptent multiplier les actions et manifestations dans toute la ville pour se faire entendre.
  • A Etrelles (Ille-et-Vilaine), les salarié-es du centre d’appel Concentrix étaient en grève ce lundi 9 septembre pour dénoncer des “baisses de salaires significatives”. Le site, qui travaille pour Stellantis, était à l’arrêt : 100% des commerciaux se sont joint à la grève. Ils et elles dénoncent une “modification du plan de rémunération” pouvant amener à de lourdes pertes (jusqu’à -80% en prime variable) et craignent une délocalisation du site. Ces “conseillers clients” demandent également à requalifier leurs contrats de travail en tant que “conseillers commerciaux”. Le directeur du site, Marc Le Coent, explique ne vouloir “en aucun cas” diminuer les effectifs du site malgré le risque de délocalisation.
  • A Haillan (Gironde), les salariés de la filiale française du fabricant américain de matériel chirurgical Steris se sont mis en grève ce mardi 10 septembre pour dénoncer le projet de “plan social au rabais” voulu par la direction. Steris a en effet décidé la fermeture totale du site, ce qui pourra entrainer le licenciement de 96 personnes sur 246 dans les prochains mois. L’entreprise (4,6 milliards de dollars de chiffre d’affaires dans le monde) affirme dans un communiqué que “la part de marché de Stéris en France et en Europe stagne autour de 5%”. Les salarié-es ne comprennent pas cette affirmation. Le syndicat Unsa de l’entreprise affirme que la rentabilité de l’entreprise a “triplé” en un an, avec un chiffre d’affaires français en augmentation de “7,6% en 2024” et un résultat net qui “progresse de 14% pour atteindre 2,9 millions d’euros” sur la période. Alors qu’à ce stade, aucune proposition de reprise de site n’a été faite, les salarié-es demandent “de meilleures conditions de départ”, en particulier pour les salarié-es proche de la retraite.
  • En France, le 10 septembre, avait lieu la première journée de grève intersyndicale de la rentrée. Les syndicats du premier degré dans l’éducation (maternelle, élémentaire et primaire) appelaient en effet à se mobiliser à la fois pour “faire front pour l’école” en exigeant des moyens supplémentaires, une formation de qualité, et des recrutements, mais aussi pour exiger la fin des évaluations nationales. Ces évaluations, imposées par le ministère de l’Éducation pour tester le “positionnement” des élèves, seront désormais obligatoires pour l’ensemble du premier degré. Jusqu’ici, seules les classes de CP et de CE1 y étaient conviées. Le personnel éducatif mobilisé dénonce le “caractère anxiogène” de ces évaluations et en appelle au respect de la liberté pédagogique. Des grèves et manifestations étaient prévues un peu partout sur le territoire.
     

Alors que partis de gauche et syndicats dénoncent depuis le début de l’été le “coup de force” d’Emmanuel Macron à la suite de son refus de nommer Lucie Castets première ministre désignée par le NFP (comme le voudrait l’usage), une première date de mobilisation a été posée le 7 septembre par les organisations de jeunesse et la France Insoumise. Souhaitant sûrement se détacher de l’agenda politique de cette dernière, les syndicats n’y ont pas appelés même si la plupart ont fait part de leur “soutien” à l’initiative. Quelques structures locales et fédérations ont néanmoins appelés à rejoindre les rassemblements.

Quelques jours plus tôt, le président de la République se décidait enfin à nommer un premier ministre en la personne de Michel Barnier, représentant d’un des courants pourtant les plus minoritaires à l’Assemblée Nationale. De quoi rajouter au “coup de force” dénoncé par l’opposition et qui interroge aussi une partie du camp présidentiel.

Environ 150 marches étaient organisées dans tout le pays, mais aussi devant les ambassades de France d’Irlande, de Colombie… En France, près de 110 000 personnes ont manifesté, selon les chiffres de la police. La France Insoumise revendique 300 000 manifestant-es.

Un nombre plus élevé qu’attendu, mais qui aura déçu de nombreux et nombreuses manifestant-es rencontré-es par l’Insurgée, qui espéraient bien davantage que de simples manifestations “où l’on dit juste qu’on est pas contents”. D’autres, notamment du côté des organisations de jeunesse, espèrent y voir le début d’un mouvement.

A Lille, environ 4000 personnes étaient présentes. Sur une place de la République qui se remplissait, l’Union Étudiante dénonçait le fait que “Macron a décidé de choisir un premier ministre accusé de plagiat par le Rassemblement National tellement son programme était une infamie”. “Maintenant que les urnes ont parlés, qu’en est-il du pouvoir du peuple, par le peuple, et pour le peuple ?”. Élevé-es sur un des plots empêchant l’accès aux voitures sur la place, les membres du syndicat présent-es ce jour-là citaient Jacques Rancière : “Il n’y a pas de crise de la démocratie car il n’y a pas de réelle démocratie”.

Ugo Bernalicis, député LFI-NFP du Nord, a d’abord salué la mobilisation avant d’enchaîner : “Le monarque [Macron] n’attend qu’une chose, que vous soyez chez vous, que vous courbiez l’échine. C’est parce que vous êtes nombreuses et nombreux qu’il y aura une réaction politique. Monsieur Macron aurait pu au moins essayer de nommer Lucie Castets, mais il a horreur de deux choses : l’augmentation du SMIC à 1600 euros, et l’abrogation de la réforme des retraites”. L’Express rapportait en effet fin août des propos du président sur ses craintes quant au programme du Nouveau Front Populaire.

Organisations de gauche, associations comme la LDH, syndicats et élus étaient présents ce soir à Lille, mais également des manifestant-es pour la paix en Palestine. Tous et toutes espèrent reprendre la rue bientôt et inverser le rapport de force. Reste à savoir sur quelles bases et avec quelle stratégie.

C’est juste un militant comme nous, qui fait son job, et aujourd’hui il y a quelques ronds de cuir qui veulent sa tête”. Marc, secrétaire régional Sud Rail dans les Hauts-de-France, ne mâche pas ses mots. Vincent Pinot, secrétaire fédéral du syndicat, était convoqué ce jeudi 5 septembre pour un entretien disciplinaire. Il lui est reproché “l’instauration d’un climat de tension excessif qui s’est manifesté par de multiples pressions sur les représentants de l’employeur” lors des CSE. En bref, on lui reproche de faire son travail d’élu syndical. “Le syndicat de Lille est derrière [Vincent], on a été plusieurs à avoir été emmerdé par la direction. Aujourd’hui, c’est Vincent, demain ça peut être l’un d’entre nous. On doit pas se laisser faire”, continue Marc.

De nombreux et nombreuses militant-es du syndicat avaient fait le déplacement ce jeudi matin pour venir soutenir leur camarade qui risque une sanction pour son activité militante.

Ce qui est reproché à Vincent, c’est une remise en cause de la direction”, dénonce Fabien Villedieu, porte-parole de la fédération Sud Rail. “Aujourd’hui, la direction, sur son CSE, elle va de restructurations en restructurations, de suppressions de postes en suppressions de postes. Face à ça, les collègues attendent qu’on mette la pression. Vincent a mené une grève particulièrement forte et suivie au mois de février [2024], la direction est en train de régler ses comptes”.

Alors que la SNCF, Réseau comme Voyageurs, tend d’années en années vers une privatisation complète du rail, sa direction cherche à “casser les jambes des militants et des militantes” qui s’opposent à ce projet, selon Sud Rail.

Ça fait bizarre, j’ai toujours eu l’impression de ne faire que mon petit rôle d’élu depuis 25 ans”, avance de son côté Vincent Pinot, quelques minutes avant son entretien. « Mais il ne faut pas partir dans la peur, j’ai juste fait mon rôle avec l’équipe du CSE NEN. Quoi qu’il arrive, je continuerai de militer, il ne faut pas avoir peur. S’ils [les membres de la direction] emmènent aujourd’hui autant d’élus, autant de délégués, en conseil de discipline, c’est parce que ce sont eux qui ont peur”.

A l’heure où cette infolettre est finie d’être écrite, Sud Rail n’a toujours pas reçu les conclusions de la direction quant aux suites de l’entretien.
 

  • Lille. Samedi 28 Septembre à 14h : Marche pour le droit à l’IVG (lieu de départ à confirmer)
  • Nantes. Samedi 14 septembre à 10h : Manifestation intersyndicale devant le CHU.
  • Paris. Vendredi 13 septembre : à 16h : Manifestation contre le projet d’un nouveau ministère de l’Immigration, 13 septembre 16H. Départ place de la République.
  • Lille. Jeudi 26 septembre, à 19h, au Tire-Laine (50 rue de Thumesnil à Lille): Soirée « Camanette », échanges et discussions autour de la situation sociale.
  • Toute la France. Mardi 1er octobre : journée interprofessionnelle de grèves et de manifestations.

Des dates de luttes locales à transmettre pour le prochain numéro ? Envoyez-les à pro@louisebihan.com !

 

« Hirondelle qui vient de la nue orageuse

Hirondelle fidèle, où vas-tu ? dis-le-moi.

Quelle brise t’emporte, errante voyageuse ?

Écoute, je voudrais m’en aller avec toi,

Bien loin, bien loin d’ici, vers d’immenses rivages,

Vers de grands rochers nus, des grèves, des déserts,

Dans l’inconnu muet, ou bien vers d’autres âges,

Vers les astres errants qui roulent dans les airs.

Ah ! laisse-moi pleurer, pleurer, quand de tes ailes

Tu rases l’herbe verte et qu’aux profonds concerts

Des forêts et des vents tu réponds des tourelles,

Avec ta rauque voix, mon doux oiseau des mers.

Hirondelle aux yeux noirs, hirondelle, je t’aime !

Je ne sais quel écho par toi m’est apporté

Des rivages lointains ; pour vivre, loi suprême, Il me faut, comme à toi, l’air et la liberté.

Louise Michel, 1861.

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Photos : Louise Bihan. Tous droits réservés.

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