Quelques gouttes de pluie, un vent frais, des femmes et des hommes debout drapeaux CGT en main, et une ligne de policiers protégeant l’entrée d’un parking. Il y avait beaucoup moins de monde qu’espéré en ce jour de mobilisation nationale pour défendre la culture, signe de la difficulté à mobiliser dans le secteur. Mais une trentaine de personnes, braves, s’est malgré tout retrouvée devant l’Orchestre National de Lille ce jeudi après-midi à l’appel de plusieurs syndicats (notamment le SFA-CGT, le SNAM-CGT, et le Synptac-CGT) pour dénoncer un « énorme plan social qui ne dit pas son nom », selon Marion, du SFA-CGT (Syndicat Français des Artistes-interprètes). « On revendique une vraie prise en compte du secteur culturel. Tout le secteur est en train de s’écrouler. 2 artistes sur 5 se reconvertissent. Quand il y a des économies à faire, ce sont les spectacles dans lesquels on taille en premier. »
Le lieu de rendez-vous n’a pas été choisi au hasard. L’Orchestre National de Lille est en proie à de nombreuses difficultés budgétaires, selon le SNAM (Syndicat National des Artistes-Musiciens). « La situation est extrêmement inquiétante », affirme Bernard, délégué syndical du SNAM dans le Nord-Pas-de-Calais. « C’est 11 postes et demi en moins sur les musicien·nes. Le chiffre prend en compte les remplaçants. L’effectif normal est de 99 musicien·nes. On a des départs à la retraite pas remplacés. Jusqu’ici, le budget du ministère de la culture était à peu près sauvegardé. Mais les dotations aux régions, départements, et villes, sont revues extrêmement à la baisse. La culture en France est subventionnée en grande majorité par les collectivités territoriales, c’est important de dire que c’est général. »
« Le nombre d’emplois dans la culture a complètement chuté. On en est à un lever de rideau sur 2 qui n’a pas lieu, c’est colossal », dénonce Marion. « Le public le voit car il y a moins de spectacles proposés, et pour les artistes c’est énorme. Quand on discute avec les collègues, tout le monde a des trous dans son agenda. »
La situation nationale actuelle, à la suite de la censure du gouvernement Barnier, entraînant un budget 2025 dont l’issue est incertaine, n’y est pas pour rien dans les difficultés actuelles que connaît le monde de la culture. Une situation qui donne du grain à moudre aux régions qui en profitent parfois pour mettre en place des coupes budgétaires importantes. C’est le cas dans la Région Pays de la Loire, exemple particulièrement mis en avant par les manifestant·es, où le budget de l’année prochaine annonce un objectif de 100 millions d’euros d’économies dans la culture, le sport ou la vie associative. Une décision brutale dénoncée, entre autres, par l’ancien maire de Nantes (Loire-Atlantique) et ancien Premier ministre Jean-Marc Ayrault, qui dénonçait mercredi sur France Bleu une « attaque en règle » contre la culture. Une manifestation a été organisée ce jeudi devant l’hôtel de Région de Nantes, rejointe par les agriculteurs de la Confédération paysanne.
Le Nord et le Pas-de-Calais sont également touchés par des difficultés similaires alors que le département du Pas-de-Calais aurait annoncé 40 % de baisse dans son budget culturel pour 2025, selon le SFA-CGT.
Une petite assemblée générale s’est tenue devant l’ONL. Les militant·es en ont profité pour dénoncer une « baisse de subvention » de la part de la ville de Lille, une accusation qui n’a pas été du goût de Marie-Pierre Bresson, élue à la culture, venue assister au rassemblement. « Ce n’est pas une baisse de subvention », maintient-elle. « Ça apparaît facialement [sic] comme tel, mais ça n’en est pas une. Nous mettons à disposition des lieux gérés par la ville avec une délégation de service public, et nous facturons la mise à disposition avec le personnel à hauteur de 150 000 euros annuels l’année des travaux. En aucun cas ça ne présage de la suite. La ville n’a pas baissé la subvention à l’ONL quand la région et la DRAC l’ont fait. C’est une facturation, pas une baisse de subvention ». Les syndicats, de leur côté, dénoncent une facturation « à très haut prix ».
Les manifestant·es devaient déambuler jusqu’au centre-ville, mais face au peu de monde présent, ils et elles ont préféré rester statiques. Comment mobiliser malgré l’instabilité de la période ? Marion l’affirme, « il va falloir qu’on soit forts et unis pour faire entendre nos voix, parce qu’on pèse pas très lourds ». Sûrement qu’au-delà du constat difficile, il faudra allier le pessimisme de la raison à l’optimisme de la volonté.