L’Insurgée du 16 octobre : « On a laissé notre jeunesse, notre santé dans l’usine », l’usine MA France d’Aulnay-Sous-Bois occupée depuis 6 mois.

# Édito

Pas d’édito particulier cette semaine ! L’actualité est ce qu’elle est, le pouvoir se radicalise à droite, et la fameuse société civile, elle, elle se mobilise. Alors, y’a du travail ! On ne lâche rien, les ami·es, pour décrypter l’actualité et faire causer les luttes. On se retrouve tous les jours (ou presque) sur Twitch, et sur le site de linsurgee.fr, d’autres projets arrivent ! On a commencé les podcasts, dispo sur Spotify, Deezer, et sur le site de l’Insurgée. Premier épisode, un entretien avec le collectif catholique P.A.I.X sur la nécessité pour les croyant·es de lutter contre l’extrême-droite. Vous êtes 100 personnes inscrites à cette infolettre, merci à vous ! N’hésitez pas à la partager, elle est aussi disponible sur le site. N’hésitez pas également à me soutenir sur Tipeee ou Ko-fi si vous appréciez ce travail. Prenez soin de vous, bonne lecture, et vive la sociale !

# Actu des grèves

– A Folschviller (Moselle), la lutte des salarié·es de Neuhauser n’est pas terminée. Après 7 mois d’acharnement perdant de la part de la direction contre la section CGT locale d’InVivo et en particulier son délégué syndical Christian Porta (que nous avons reçu dans la matinale de l’Insurgée), la répression continue. La direction vient en effet d’annoncer début octobre le licenciement d’un ancien gréviste, accusé d’altercation avec un autre collègue. Un procès fallacieux pour l’organisation Révolution Permanente, qui indique également que trois autres salariés ont été convoqués ces dernières semaines en vue de sanctions. Christian Porta a réagi à ses attaques : « Il faut qu’on revendique la réintégration de Jean-Michel [le gréviste licencié], des augmentations de salaires, des embauches et que tous les salariés qui partent soient remplacés ».

– A Charleville-Mézières (Ardennes), comme dans d’autres villes en France, les agent·es de conduite SNCF se sont mis·es en grève ce lundi 7 octobre contre le nouveau planning de travail annuel, sur fond d’ouverture à la concurrence. Une grève plutôt suivie qui a amené la SNCF à mettre en place des cars de remplacements sur de nombreux trajets. André Giraux, le secrétaire général CGT cheminots des Ardennes, expliquait à nos confrères de l’Ardennais que « la direction recherche des gains de productivité et veut faire travailler toujours plus les conducteurs. Elle prépare ainsi l’ouverture à la concurrence en dégradant encore les conditions de travail d’agents. »

Seule avancée obtenue ce jour : une nouvelle réunion prévue pour le 14 octobre. Selon les réponses apportées, les cheminots pourraient continuer le mouvement.

– Dans la métropole Aix-Marseille (Bouches-du-Rhône), des agent·es techniques de la Régie des Transports Métropolitains se sont mis·es en grève pour dénoncer le licenciement d’un collègue. Selon Nicolas Ruiz, représentant FO, « on lui reproche d’avoir pointé du doigt et dit à son supérieur hiérarchique qu’il n’était pas un homme lors d’une réunion en avril dernier », déplore-t-il dans les colonnes de la Provence. Les syndicats demandent la réintégration de leur collègue et ont été reçus par la direction de la RTM.

– A Bourges (Cher), les syndicats CGT et CFDT de l’hôpital Jacques-Coeur de Bourges ont déposé un préavis de grève du 14 au 18 octobre. Ils appelaient à se rassembler ce mardi 15 octobre dans le hall de l’hôpital. Un appel à la grève « pour la défense des conditions de travail du personnel et un accès aux soins pour les patients », critiquant les « restructurations de services sans tenir compte du personnel et en pénalisant les patients, ou encore un management répressif de certains cadres de service ». Le directeur dénonce un manque de dialogue de la part des syndicats et assure, dans les colonnes du Berry, que « le service minimum sera garanti, et des assignations seront mises en place ».

– A Lyon (Rhône), la grève des sapeurs-pompiers est partie pour durer. Depuis le 1er octobre, ceux et celles-ci ont cessé le travail afin de dénoncer une « dégradation des conditions de travail », assurant avoir été « invisibilisés pendant la période des Jeux Olympiques ». Une semaine de congés avait été supprimée pour l’ensemble des sapeurs-pompiers « sans aucune mesure compensatoire », dénoncent les syndicats. Mardi 8 octobre dernier, une réunion entre les pompiers, la métropole, le département, et la préfecture avait lieu. Une réunion qui n’a pas abouti à grand-chose, si bien que les pompiers menacent de continuer leur mouvement jusqu’à la Fête des Lumières, prévue début décembre. Des actions coups de poings et des assemblées générales ont déjà été organisées ces derniers jours. La métropole se défend de toute accusation, en affirmant que le budget alloué au SDMIS avait augmenté de 10 millions d’euros entre 2022 et 2024, estimant que l’État a aussi sa part de responsabilité à prendre dans le financement des pompiers. D’autres actions coups de poings sont prévues dans les semaines à venir.

– A Paris, le personnel du Bapu (Bureau d’aide psychologique universitaire) dans le 5e arrondissement était en grève la semaine dernière. Le Bapu, qui reçoit entre 500 et 600 étudiant·es chaque semaine, est confronté à des menaces de gels de postes. Ce qui entraînerait évidemment des retards de prise en charge et de soins, alors que les besoins sont grandissants. Selon une enquête de l’Observatoire de la vie étudiante, en 2021, 43 % des étudiant·es estiment avoir besoin d’une aide psychologique. La pandémie n’a pas aidé, mais la précarité générale est une des causes de ce mal-être. Le temps moyen d’attente pour un rendez-vous au Bapu est de 4 à 6 mois, il risque d’empirer avec les gels de postes. 3 autres établissements se sont joints au mouvement.

– A Sotteville-lès-Rouen (Seine-Maritime), une menace de revente d’une partie des activités Kleenex de la région rend furieux les salarié·es. La CGT a décidé de déposer un préavis de grève le 2 octobre dernier à la suite d’un article publié dans les Échos, affirmant que l’entreprise américaine « songerait notamment à une cession de tout ou partie pour se centrer sur des segments de marché plus profitables ». Une opération qui pourrait « valoriser l’activité » de l’entreprise à « près de 4 milliards de dollars ». Auprès de France 3 Normandie, Eric Boissy, secrétaire CGT Kimberly-Clark, s’inquiète : « On entend parler d’une suppression de l’ordre de 5 000 postes au niveau international. On ne nous dit pas que la société va fermer, mais on a peur pour nos emplois ». La direction, de son côté, dénonce des « ragots » de la part des Échos et affirme que le site de Sotteville n’est absolument pas concerné par la restructuration des activités. Mais l’appel à la grève ne concerne pas seulement cette crainte de réorganisation. La CGT dénonce également les changements récents en matière de rythme de travail. Elle dit avoir « peur de perdre » les acquis obtenus « au fil des années ».

– Aux États-Unis, la grève continue à Boeing. Après des dernières négociations entre le syndicat IAM et l’avionneur américain, ce dernier a décidé de suspendre les discussions, jugeant que les demandes syndicales « dépassent les limites de l’acceptable » et a retiré son offre, qui consistait en partie à revaloriser le salaire net de 30 %, une proposition « loin du compte » pour les salarié·es. La grève, qui dure depuis la mi-septembre, fragilise très fortement le groupe alors que deux de ses principaux sites (à Renton et Everett) font partie des sites totalement à l’arrêt. Le syndicat IAM-District 751, qui représente près de 30 000 employé·es de la firme américaine affirme dans un communiqué qu’il « obtiendra gain de cause » et se dit prêt à « continuer des échanges directs ou via un médiateur ». De son côté, Boeing a décidé, en plein mouvement social, de licencier 10 % de sa main-d’œuvre, soit environ 17 000 emplois. Une provocation de plus.

– A Paris, les syndicats d’Ubisoft France (STJV, Solidaires Informatique, CFE-CGC Fieci, CGT, Printemps Écologiques) maintiennent leur appel à la grève à la sortie d’une réunion avec la direction le 8 octobre dernier. En cause, toujours, la décision de la direction visant à imposer aux employé·es de travailler en présentiel au moins trois jours par semaine. Pour les syndicats, cette décision est irrespectueuse pour les salarié·es car elle ne prend pas en compte leurs contraintes et lieux de résidence. Une grève de 3 jours est donc prévue à partir du 15 octobre.

– A Notre-Dame-de-Gravenchon (Seine-Maritime), la CGT d’ExxonMobil continue le combat commencé il y a 5 mois pour sauver la branche chimie de l’entreprise, menacée d’un plan de licenciement (dit « plan de sauvegarde de l’emploi »). Pourtant, le 30 septembre, la CFDT et CFE-CGC ont signé l’accord de PSE, officialisant la fermeture. Ne reste que FO et la CGT pour s’opposer au projet. Pour ce dernier, continuer la mobilisation est à la fois une question de principe, mais c’est aussi pour alerter sur la situation des sous-traitants et pour espérer la mise en place d’un projet alternatif sur le site. En attendant, ce sont plusieurs centaines d’emplois qui sont menacés dans l’agglomération.

– En Corse, les ports et aéroports étaient bloqués ce Vendredi 4 octobre à la suite de propos d’Alexandre Patrou, représentant du préfet de Corse, jugés « inacceptables » par le syndicat des travailleurs corses. Alexandre Patrou, lors d’une assemblée générale de la chambre de commerce et d’industrie (CCI) d’Ajaccio tenue la veille, a émis des réticences sur la capacité de la CCI à continuer de gérer les aéroports et ports de l’île. Des propos qui laisseraient sous-entendre qu’une privatisation serait envisagée. Une « déclaration de guerre » pour Gilles Simeoni, président du conseil exécutif corse. Quelques heures après ces déclarations, les syndicats de la CCI se mettaient en grève, ce qui a bloqué les six ports et aéroports de l’île. Après avoir obtenu un engagement écrit de la part du gouvernement affirmant que « les ports et aéroports de Corse resteront sous la maîtrise des institutions de la Corse », le mouvement de gréve a été levé dans la soirée de vendredi. Des perturbations se sont faites cependant ressentir toute la fin de semaine.

– Aux États-Unis, après 3 jours de grève, les dockers américains ont repris le travail. Quelques 45 000 membres du syndicat des dockers ILA étaient en grève dans 36 ports du pays pour de meilleurs salaires. Un accord entre le patronat et l’ILA ont permis aux dockers d’obtenir une augmentation de salaires de 62 % sur 6 ans, ce qui a été accepté par le syndicat, alors que celui-ci réclamait initialement 77 % d’augmentation, affirment des médias américains. Selon le secrétaire aux Transports, Pete Buttigieg, les transporteurs maritimes ont vu leurs résultats bondir d’environ 350 % en dix ans tandis que les salaires des dockers n’ont augmenté que de 15 % sur la même période.

# Focus : MA France

L’usine de MA France spécialisée dans les véhicules utilitaires, située à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), est officiellement placée sous liquidation judiciaire. Acté en mai dernier, puis contesté par la CGT, le plan de licenciement a été validé par le tribunal administratif de Montreuil (Seine-Saint-Denis) et prévoit la suppression de 280 postes au sein de cette usine de production de pièces automobile qui travaille pour Stellantis et Renault. Après une première grève en avril pour la sauvegarde de leurs emplois, les salarié·es de l’entreprise ont décidé d’occuper leur usine pour ne pas laisser sortir les outils, les machines, que la direction cherche à récupérer pour les délocaliser en Turquie. Alors que le pire a été évité en août, quand un salarié gréviste a tenté de s’immoler par le feu au moment de la visite d’un représentant du liquidateur, les salarié·es tentent de maintenir leurs emplois dans un contexte difficile pour l’industrie française, en particulier automobile. Entretien avec Adel, représentant de la CGT MA France à Aulnay-sous-Bois et Kamel Brahmi, secrétaire général de l’UD CGT 93.

L’Insurgée : Où on est le mouvement aujourd’hui, l’usine est-elle toujours occupée ?

Adel : Depuis le 16 avril, on occupe l’usine, ça fait 6 mois de grève. On a visité d’autres usines en France : Hordain (Nord), Douvrin (Pas-de-Calais) qui fabrique de l’électrique, Poissy (Yvelines)… On a aussi rendu visite à une usine Eurostamp [du même groupe que MA France (CNL), ndlr] à Villers-La-Montagne (Meurthe-et-Moselle) en juin. L’usine va fermer dans 2 ans. A côté de nous, il y a Valéo aussi. Les fermetures d’usines continuent. On veut stopper ce massacre de l’industrie française. On a rendez-vous vendredi avec le ministère de l’industrie aux côtés de Sophie Binet [secrétaire générale de la CGT, ndlr], les délégués syndicaux de chaque usine et de chaque sous-traitant.

L’Insurgée : Ce Jeudi 10 octobre, le tribunal administratif de Montreuil a validé le PSE, comment vous envisagez la suite ?

Adel : On va faire appel auprès de la cour administrative de Paris. Le tribunal ne nous a pas entendu, il s’est basé sur la situation économique, en disant que le CSE avait été consulté. Au départ, on nous a parlé de redressement judiciaire, et au final, on fait face à une liquidation judiciaire. On est étonnés. MA France a déposé le bilan à la suite du redressement judiciaire le 6 mai dernier. On continue la grève et le blocus, rien ne sort de l’usine. On a été reçus par le liquidateur et l’inspection du travail qui refuse le licenciement des élus syndicaux. Les salariés seront licenciés le 27 juin. MA France a proposé 7 500 euros de la part du groupe CLN et 7500 euros de la part de Stellantis pour chaque salarié·e, à condition qu’il n’y ait pas d’attaques en justice. Malheureusement, 84 salarié·es sur les 280 ont signé, et le reste a continué le mouvement. Les 84 salarié·es qui ont signé ont des problèmes de salaire, ce sont des gens dans le besoin, ça se comprend. Mais nous, on a le sentiment que seule la lutte paie. Il n’y a que la grève qui paie, et la détermination des salarié·es. La direction est venue 3 ou 4 fois pour essayer de récupérer les outils et sortir les pièces finies. Il y en a pour au moins 100 millions d’euros là dedans ! Ils veulent sortir les machines mais nous, on est toujours déterminé·es. On est 24h/24 sur le piquet de grève.

L’Insurgée : Le 12 août, un salarié de l’usine a tenté de s’immoler par le feu. Comment va-t-il aujourd’hui ?

Adel : Ça va. Quand on l’a vu faire, on a enlevé ses vêtements. C’est un camarade, on lui a remonté le moral. Mais heureusement, on était là.

L’Insurgée : Vous avez des discussions en cours avec Bercy ?

Adel : On en avait au début, grâce à notre fédération CGT, et grâce à la députée LFI Nadège Abomangoli [députée de Seine-Saint-Denis, ndlr] ou le sénateur PCF Fabien Gay, une délégation de chez nous a pu rencontrer le ministre de l’Industrie. Le ministre a mandaté un médiateur, il est venu, il nous a proposé ces 15 000 euros partagés entre CLN et Stellantis et il nous a dit que sa mission était terminée. Ici, il y a des gens qui sont salariés depuis 20, 30, 40 ans … on a laissé notre jeunesse, notre santé, dans l’usine, et on part avec 15 000 euros. C’est une vraie insulte.

Ils tuent les sous traitants, pour délocaliser. Stellantis, ça va délocaliser en Turquie. Ils veulent sortir les moules et les machines pour délocaliser.

L’Insurgée : Quelle va être la suite de la mobilisation ?

Adel : Le 17 octobre, nous organisons une manifestation devant le salon de l’automobile à Paris, porte de Versailles, dès 11h30. La CGT sera bien présente : l’union départementale du 93 et la fédération de la métallurgie seront là, ainsi que d’autres boites à Poissy et Charles de Gaulle. Toutes les unions locales du 93 seront là. Il y aura beaucoup de monde, beaucoup de médias et de filières différentes. Les autres sites fermés seront là, c’est un combat collectif. On appelle tous les sympathisants, tous les camarades, à venir pour stopper le massacre de l’industrie française. Nous, ce qu’on revendique, c’est le reclassement, et une vraie prime de 50 000 euros. L’âge moyen, dans notre usine, c’est 50 ans. Difficile de retrouver du travail à cet âge après un tel plan de licenciement.

Kamel Brahmi : Depuis 2008, ça ne s’arrête pas. Les délocalisations d’usines ont commencé à ce moment-là. Il y a eu 100 000 emplois supprimés en tout, depuis 2008, dans l’industrie automobile. Dans notre territoire, la Seine Saint Denis, un territoire de production, la dernière usine va fermer. Des collectifs de travail forts ont permis des mobilisations, pour des salaires au dessus de la moyenne. Le sujet, aujourd’hui, c’est la modification du territoire : on passe d’une terre de production à de plus en plus de logistique. La logistique, c’est moins d’emplois au mètre carré et des salaires dégradés. On a besoin d’une industrie dans le pays pour répondre aux défis environnementaux. Si on est un pays où transite ce qui a fait 3 fois le tour de la planète, c’est un problème écologique et économique. La crise du Covid a montré qu’il fallait conserver nos capacités de production. C’est un sujet autour de l’emploi pour le territoire et un sujet autour de l’industrie dans le pays. On va continuer à se battre avec les salarié·es. Si jamais cette boite ferme, on va se battre pour qu’il y ait une réimplantation sur le site. Les conditions sont réunies pour un tel projet. On est en contact avec les élus locaux, on va taper à toutes les portes.

# Focus : Grèves à l’Escapade

Ce Mercredi 25 septembre, des intermittent·es du spectacle ont perturbé la cérémonie d’ouverture de saison du théâtre de l’Escapade à Hénin-Beaumont. Élu⸱es, quelques administré⸱es, et artistes étaient présent⸱es dans la salle. Une banderole « Théâtre en danger » a été déployée, accompagnée d’un discours de la metteuse en scène et actrice Anne Conti :

« Je prends ici la parole au nom de toutes les compagnies programmées cette année à l’Escapade, au nom de leur équipe artistique, technique, administrative, intermittente ou non, syndiquée ou non. Nous interrompons cette ouverture de saison pour manifester notre grande inquiétude quant à l’avenir du centre culturel de l’Escapade. Nous sommes des professionnels du spectacle vivant, nous créons, inventons, imaginons des histoires poétiques, musicales, stimulant l’imaginaire et la réflexion. Comme vous devez le savoir, nous éprouvons de plus en plus de difficultés à exercer nos métiers, le contexte actuel est difficile : répercussion des notes d’énergie, coupes budgétaires massives de l’État, désengagement des collectivités territoriales, baisse du nombre de programmations et baisse, voire suppression, des coproductions à la création. »

La structure vit des temps troublés depuis au moins plusieurs mois. Alors qu’un régisseur historique de l’association culturelle est parti début juillet, le directeur artistique Jean-Yves Coffre est en arrêt maladie depuis mi-août. Il se sait sur la sellette et poussé à la démission. La mairie RN, au travers du conseil d’administration, tente depuis plusieurs mois de pousser vers la sortie celui qui a pris la tête de la structure en novembre 2020. En cause, des relations devenues glaciales entre lui et la ville, dirigée par le Rassemblement National depuis 2014.

« Une convention signée qui donne la possibilité à une municipalité de reprendre cet endroit sous 2 mois, à partir d’un recommandé, c’est gravissime », dénonce Anne Conti. «On laisse trop couler les choses un peu partout, car on arrive pas à se fédérer. Et là, on a réussi à se fédérer. Tous les programmés ont conscience de ce problème et se sont fédérés pour intervenir aujourd’hui. On demande des comptes au président de l’Escapade, c’est un outil de travail. On a aucun interlocuteur, on marche sur la tête. »

Les manifestant⸱es demandent alors la signature d’une « convention garantissant la liberté et l’indépendance de l’association dans la gestion artistique du lieu », « la reprise de la direction artistique par Jean-Yves Coffre avec la garantie qu’il puisse mener à bien sa mission », « le maintien du financement du lieu » et « le recrutement en accord avec la direction d’un personnel qualifié pour faire fonctionner le théâtre ».

Dans un communiqué, les manifestant⸱es insistent : ils et elles souhaitent « défendre la liberté de création face au Rassemblement National » et dénoncent une situation de « maltraitance institutionnelle » et de « pressions salariales ». Le collectif met ainsi la mairie directement en cause : « En janvier 2024, le président de l’association a signé une nouvelle convention avec le maire sans l’aval du conseil d’administration et du directeur. Elle prévoit notamment la possibilité de récupérer le lieu sous préavis de deux mois ou d’utiliser la salle au dépend de la programmation artistique. »

Les compagnies engagées sur l’année culturelle à l’Escapade multiplient depuis cette action les mouvements de grèves pour alerter sur la situation, entraînant de nombreuses annulations de représentations, comme le 3 octobre dernier, où j’ai réalisé un reportage sur place à voir sur YouTube ! Vous pouvez retrouver l’activité du collectif sur leur page Facebook.

# L’agenda insurgé

– Le 19 octobre, à 15h, au départ de la place de la République à Lille, une manifestation à l’appel du comité des sans-papiers et de la CGT en mémoire des algérien·nes tué·es dans la Seine le 17 octobre 1961. La marche se rendra au bord de la Deûle pour y déposer des fleurs en commémoration des victimes.

19 octobre toujours, à 18h30, place de la République à Lille, un rassemblement aura lieu pour un cessez-le-feu au Liban et en Palestine.

– Le 23 octobre, à partir de 8h15, l’association anti-validiste Handi Social donne rendez-vous devant la Cour de cassation (quai de l’Horloge, Paris) à la suite d’une audience pour contester les condamnation à des peines de prison avec sursis de militant·es handicapé·es ayant mené des actions de désobéissance civile en 2018. En parallèle, un rassemblement de soutien se tiendra le même jour à partir de 11h30 devant le tribunal judiciaire de Toulouse en soutien aux condamné·es. Voir le communiqué d’Handi Social.

– Le 29 octobre prochain, à Lille, le Collectif Lillois des Luttes Féministes et le Planning Familial reçoivent le collectif féministe polonais Krakowska Grupa Interwencji Feministycznej (Groupe d’intervention féministe de Cracovie) pour une table ronde sur le droit à l’avortement et la montée du fascisme en Pologne et en Europe. Ça sera à 19 heures à la salle polyvalente Michèle Pohier (83, rue du Faubourg des Postes, Lille).

Des dates à annoncer ? Écrivez-moi à pro@louisebihan.com !

Photos : Louise Bihan (Tous droits réservés)

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