A Lille, les cheminot·es préparent la grève illimitée.

Les policiers étaient déjà présents devant la voie 0 de la gare Lille Flandres ce matin à 11 heures, alors que quelques cheminot·es se rassemblaient, enfilaient leurs chasubles CGT ou Sud Rail, devant cette voie habituée des assemblées générales cheminotes pendant le mouvement contre la réforme des retraites de 2023.

Ce jeudi, c’était jour de grève nationale à la SNCF. Un premier tour de force avant la grève reconductible prévue dès le 11 décembre prochain. La principale revendication concerne la liquidation du fret SNCF, ce service de transports de marchandises via le rail qui représentait en 2019 32,6 milliards de tonnes-kilomètres transportées. Ce service sera liquidé au 1er janvier 2025 au bénéfice de deux entreprises privées : Hexafret, pour le transport, et Technis pour la maintenance.

Interrogé le 19 novembre dans la matinale de l’Insurgée, Julien Troccaz, secrétaire fédéral Sud Rail, affirmait que, pour lui, « cette grève est écologiste mais c’est aussi une grève pour défendre les conditions sociales des travailleuses et des travailleurs ». Derrière, c’est toute la sauvegarde du service public SNCF qui est en jeu, contre « une vente à la découpe ».

« Aujourd’hui, on a à peu près 20 % de grévistes au niveau national, c’est un chiffre vraiment pas mal », affirme Jérémy, secrétaire général de la CGT Cheminots à Lille. « L’objectif, désormais, c’est de se retrouver pour préparer l’échéance de la grève reconductible le 11 décembre prochain. L’enjeu, c’est la survie de la boite. Le 1er janvier, le fret va disparaître. Est-ce qu’on l’accepte ? »

Jérémy, secrétaire de la CGT cheminots à Lille. (c) Louise Bihan

Un train de fret passe derrière nous. Une occasion pour l’applaudir. Applaudir à la fois le collègue à la manœuvre, et applaudir le fret en lui-même, attaqué de toutes parts.

« Le fret, l’État doit s’en emparer. C’est une vraie réponse écologique. »

Mais bien plus que le seul fret, c’est l’ensemble des attaques menées contre le ferroviaire qui sont pointées du doigt par les cheminot·es. « Le 15 décembre, on perd le versant amiénois de la région qui va passer au privé. Moins d’un mois avant, les collègues ne savent pas à quelle sauce ils vont être mangés. Faut arrêter les conneries. On a trois semaines pour préparer le 11, on va voir les collègues et on arrête la machine. »

L’Étoile d’Amiens sera en effet le premier réseau ferroviaire des Hauts-de-France à être ouvert à la concurrence, dès le 15 décembre prochain. Une société créée à part, SNCF Voyageurs Étoile d’Amiens, dirigée par l’ancien cadre du groupe SNCF Arnaud Ramackers, prendra le relai sur la gestion du trafic. Des hausses de prix sur les billets sont annoncés par la région.

« Il y a des résistances de cheminots là où les droits sont attaqués », abonde Ali, contrôleur à Lille et membre de la CGT cheminots. « Quand il y a de la combativité, la direction peut reculer sur certains points. Les collègues ne veulent pas se faire charger comme des mules. Et à Amiens ils sont prêts à partir [en grève, ndlr] dès le 15. Il va y avoir des tournées syndicales, il y a moyen de construire à la base un rapport de forces. On a 3 semaines devant nous. »

« Les cheminots, vous faites souvent partis de ceux qui déclenchez le combat », enchaîne Aurélien Le Coq, député LFI du Nord, présent à la mobilisation. « A chaque fois, vous êtes méprisés, stigmatisés par les journalistes, les médias, qui vous traitent de privilégiés. Mais cette grève, vous ne la faites pas juste pour vous. C’est une lutte d’intérêt général. Le transport routier est l’une des premières émissions de gaz à effet de serre. Si on veut baisser nos émissions de carbone, il n’y a pas le choix, il va falloir passer par le train. Jamais on a vu que l’ouverture à la concurrence permettait de faire mieux fonctionner les choses. »

Aurélien Le Coq, député LFI du Nord. (c) Louise Bihan

Fabien Roussel, également présent, le rejoint. « Nous avons besoin d’un grand service public de transports des voyageurs et des marchandises dans notre pays, pour les usagers et le climat », affirme le secrétaire national du Parti Communiste Français et ancien député du Nord. « Le choix du gouvernement aujourd’hui, c’est de vendre au privé ses meilleures lignes. Il va falloir beaucoup d’investissements publics pour faire en sorte que le transport de marchandises soit plus rentable par le train que par le camion. Pareil pour le transport des usagers. »

Fabien Roussel, secrétaire national du PCF. (c) Louise Bihan

Sur toutes les lèvres, on pouvait y lire l’espoir d’une mobilisation qui peut prendre. Mais aussi, une potentielle convergence des luttes avec toutes les colères qui s’expriment partout, dans l’agriculture, ou dans l’industrie. « 190 plans sociaux sont prévus ces prochains mois, c’est 150 000 emplois mis à la poubelle », reprend Jérémy. « Le terreau est à la lutte, les agriculteurs se mobilisent. On peut espérer une mobilisation de nos collègues de chez Michelin. Voire une convergences des luttes. »

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